A-t-on le droit de dire du mal d’Alain Delon ?

Quelques jours après la mort de l’acteur, la question mérite d’être posée tant les hommages dithyrambiques foisonnent de toutes parts. C’est souvent le cas après la mort d’une célébrité. Comme par enchantement, on oublie le vrai visage de la personne pour ne retenir que la star, le superbe, le merveilleux.

On y avait déjà eu droit lors des disparitions de Johnny, Chirac ou même Jean-Pierre Pernaut. Exit l’évasion fiscale du premier, oubliés les détournements de fonds et d’abus de confiance du deuxième (pour lesquels il a pourtant été condamné !), bye-bye le journalisme de complaisance envers les politiques de droite qu’entretenait le troisième. Ça me rappelle d’ailleurs un autre Jean-Pierre, Elkabbach de son nom, qui lui aussi avait eu le droit aux honneurs de la presse. Ne surtout pas rappeler son rôle de chien de garde des pouvoirs politique et économique.

Passons. Ici, le sujet est Alain Delon. L’acteur est mort en plein week-end du 15 août. Quelle aubaine ! Les journaux ont sorti les nécros du frigo pour remplir leurs pages. « Mort d’une étoile » pour Le Monde ; « L’unique » pour Le Figaro ; « Le dernier Samouraï » pour Le Parisien. Les titres de presse sont unanimes : c’est le beau, le grand Delon qui est mort. Les politiques aussi y vont de leurs superlatifs : « Un monument français » pour Macron ; « Une étoile viscéralement française » pour Attal ; « Un géant » pour Hidalgo… N’en jetez plus…

Même L’Huma le met à sa Une. A l’intérieur pourtant, un article moins complaisant s’est glissé. « Alain Delon et la politique : une histoire de mauvaises fréquentations », est-il titré. Ha quand même ! On a le droit de déchirer le masque du comédien pour parler de l’homme. Le patron des communistes, Fabien Roussel, a-t-il lu le journal de ses camarades ? Lui qui s’est exprimé sur X en tweetant : « Avec la disparition d’Alain Delon, c’est une icône du cinéma qui s’en va et que tout le monde entier pleur ce matin ». Le monde entier, rien que ça ! Et même tout l’univers non ?

Revenons en à Delon. L’homme, pas le comédien. Il y a quelques années, il disait ne rien avoir « contre les gays qui se mettent ensemble » mais considérait l’homosexualité « contre-nature » (coucou les amis homos de Christine Boutin). Celle-ci avait d’ailleurs reçu le soutien de l’acteur lors de sa campagne aux européennes de 2014 qu’elle menait avec son parti Force vie, issu de la Manif pour tous. Mais n’allez pas dire que Delon était homophobe, malheureux ! Lui le bellâtre ? Pas possible…

Delon c’est avant tout un mec qui sait s’entourer. Boutin donc. Mais aussi Jean-Marie. Oui, le patriarche du parti à la flamme. « Un ami de longue date. Je suis très sympathisant », dira-t-il au cours d’une interview. Et en 2013 à propos du Front national : « Je l’approuve, je le pousse, et le comprends parfaitement bien ». Mais non, n’en concluez pas que Delon était d’extrême-droite. C’était un gaulliste revendiqué. Une sorte de Dupont-Aignan du cinéma. Et tant pis, si aujourd’hui pleuvent les hommages venant justement de ce camp-là. « La légende est partie », pour Le Pen fille ; « Sa mémoire restera à jamais gravé dans le cœur de ce pays » pour Le Pen nièce ; « Il était l’âme d’une époque » pour Le Pen gendre. Mais promis, il n’avait rien à voir avec cette famille.

D’ailleurs, sa prise de position en faveur de la peine de mort n’est absolument pas liée à son positionnement facho-lepéniste. Vous mélangez tout ! Delon c’était pas ça, c’était la classe à la française, « une certaine idée de la France », diront certains. Oui, oui, et on voit bien de quelle idée il retourne !

Lui, le père de trois enfants, était opposé au mariage pour tous et à l’adoption d’enfants par des couples de même sexe. Ben oui, on lui fait pas à Alain. Il n’allait quand même pas être pour l’adoption alors que lui même n’a jamais reconnu l’un de ses fils ! Malgré la ressemblance physique qui le trahissait, voilà Delon droit dans ses bottes : « T’es mon pote, toi, t’es mon pote. Tu ne seras jamais mon fils », lui disait-il. Il a donc laissé sa propre mère l’élever sans jamais le reconnaître. Un bon gars, ce Delon.

Aujourd’hui, ses trois enfants (reconnus eux!) vont pouvoir se battre pour l’héritage. Les journaux n’ont pas fini de noircir leurs pages…

Laisser un commentaire