Le documentaire de Yannick Kergoat revient avec brio sur l’affaire du financement libyen de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007.
Porter l’affaire Sarkozy-Kadhafi à l’écran. C’est le pari gagnant du réalisateur Yannick Kergoat avec son film documentaire Personne n’y comprend rien. Le titre est issu d’une phrase de Sarkozy lui même interrogé par Le Figaro Magazine sur cette affaire. L’ex-président prenant – sans s’en rendre compte, vraiment ? – les gens pour des cons.
Car en lisant les révélations de Mediapart – qui a sorti ses premiers papiers en 2011 – l’histoire est tout de suite plus claire. En 2007, celui qui est alors ministre de l’Intérieur, aurait utilisé de l’argent libyen non déclarés, pour financer sa campagne électorale. Le média en ligne apporte même la preuve d’un document libyen indiquant que le montant total que le régime Kadhafi était prêt à verser était de 50 millions d’euros. Rappelons que les dépenses d’un candidat qui se qualifie pour le second tour ne peuvent dépasser les 22 millions d’euros. Cherchez l’erreur…
Le film relate l’ensemble de cette affaire à tiroirs en donnant principalement la parole aux journalistes Fabrice Arfi et Karl Laske qui sont à l’origine des révélations. De manière très didactique, ils expliquent face caméra, comment le clan sarkozyste a noué un pacte avec les équipes du dictateur libyen dans l’objectif de porter Nicolas Sarkozy au pouvoir en France. Quelques images d’archives – assez sobrement mises en scène – viennent illustrer les propos des journalistes et de la narratrice, l’actrice Florence Loiret Caille. Pour agrémenter les faits, un spécialiste de la Libye et le procureur François Molins apportent leurs expertises.
Opération « sauver Sarko »
Au-delà de l’affaire politico-financière, le film montre également le fonctionnement de certains médias, chiens de garde du pouvoir, prêts à tout pour sauver les miches de l’ancien président. Ainsi, le documentaire revient sur l’opération « sauver Sarko », mise en place par la papesse de la presse Mimi Marchand, avec la complicité de BFM TV et de Paris Match.
Si la mise en scène est assez minimaliste, sûrement due à un budget resserré – le film a fait l’objet d’un financement participatif de 510 000 euros – l’histoire aux multiples rebondissements permet de tenir en haleine le spectateur. Et le film rencontre actuellement son public. Boudé par les plus gros exploitants de salles de cinéma – MK2 et UGC en tête – il est en passe de franchir les 100 000 entrées. Une belle prouesse. À Paris par exemple, le Luminor Hôtel de Ville fait salle comble presque tous les soirs.
Le documentaire sort alors que l’ex-président est actuellement jugé dans cette affaire pour corruption passive, financement illégal de campagne électorale, association de malfaiteurs et recel de détournement de fonds publics libyens au Tribunal correctionnel de Paris dans le 17e arrondissement. Le procès se tient jusqu’au 10 avril.
Personne n’y comprend rien, un film de Yannick Kergouat. En salle. Durée : 1h43.
